RTC

Un Liégeois à la tête de Nina Ricci et Lanvin !

 23 fevrier 2024 20:55   Liège


Il était considéré l’égal d’un Christian Dior. Le liégeois Jules François Crahay a été le directeur artistique des prestigieuses maisons de haute couture parisienne, Nina Ricci et Lanvin, avant de tomber dans l’oubli. Pour la première fois, une exposition lui est consacrée. C’est au Musée Mode et Dentelle à Bruxelles.

C’est une collection unique, constituée au cours de ces dernières années, que propose le Musée Mode et Dentelle de Bruxelles : les modèles de haute couture et de prêt à porter présentés ici ont tous été conçu par Jules François Crahay. Après être resté dans l'ombre durant la période de plus de 30 années qui sépare son décès, en 1988, à aujourd'hui, ce prodige de la haute-couture revient au-devant de la scène, un peu par hasard.  

"Au hasard d'une pièce passée en vente publique à Paris, en 2018, j'ai commencé à m'intéresser à Jules François Crahay", confie Denis Laurent, le commissaire de l’exposition. "Le Musée Mode et Dentelle ne s'était jusque-là jamais penché  sur ce couturier, pourtant belge. Nous nous sommes vite rendu compte que le musée conservait quelques pièces signées de sa main, y compris des pièces extrêmement rares de sa maison de couture liégeoise", poursuit-il

Des recherches ont été menée, notamment dans la presse de l’époque et dans les archives des collections des maisons où il a fait carrière, Nina Ricci et Lanvin… un parcours étonnant pour ce couturier, né en 1917 à Liège

"Jules Crahay aimait dire qu'il était est né une aiguille à la main", nous dit encore Denis Laurent. "Il a habité le quartier de Fragnée, et a travaillé dans la maison de couture que tenait sa mère, Françoise Crahay. La maison a occupé jusqu'à 20 couturière. Françoise était aussi le prénom de sa grand-mère maternelle. Cela explique sans doute le deuxième prénom qu'il a accolé à son prénom d'origine, comme un hommage, quand  il a décidé de se faire appeler "Jules François Crahay" à Paris".

A Liège, il reprend d'abord la maison de couture de sa mère. Il habillera pendant cinq ans la société élégante liégeoise. La réputation de son talent passe les frontières, et il se rend bientôt à Paris, haut lieu de la mode.

En 1951, il crée sa propre maison de haute-couture, mais le manque de financement ne permet pas de pérenniser l'aventure.

En 1952, le voilà chez Nina Ricci, d'abord comme modéliste, ou il va concevoir une partie des modèles de haute couture, et l'entièreté de la ligne boutique. Il reste cependant dans l'ombre de la fondatrice, et son nom n'apparait pas dans les publications.

En 1959, il signe la première collection entière de haute couture, ce qui déclenche une pluie d'éloges et de nombreuses commandes, particulièrement aux États-Unis, où la presse le considère à l'égal d'un Dior. "Un créateur belge inconnu s'impose au sommet de la mode parisienne" écrit Carrie Donovan dans le New-York Times.

Rigueur de construction et fantaisie d'inspiration, c'est l'association que réussit Crahay dans ses collections pour Nina Ricci.

La princesse Paola de Belgique, la reine Farah Diba et Jackie Kennedy figureront parmi ses ambassadrices.

Des actrices comme Lollobrigida, Jean Seberg ou Ingrid Bergman porteront aussi quelques-unes des créations du Liégeois.

Claudia Cardinale choisira un somptueux fourreau pailleté et brodé "Espagne" de la collection Nina Ricci haute-couture de l'automne hiver 1963 pour apparaître à la cérémonie des Oscars l'année suivante ! 

En 1963, Jules François Crahay est appelé par chez Lanvin, une des plus prestigieuse maison de haute-couture, installée Faubourg-saint-Honoré. La très suivie revue "Woman's Wear Daily" le présente comme le couturier le mieux payé de Paris.

Sa collection automne-hiver 1977 lui vaut un premier "Dé d'Or".

Il en décrochera un 3e, un record, pour sa dernière collection de haute couture, "Viva America", en 1984.

Le meilleur moyen d’aller à la rencontre du prodige belge de la haute couture est d’aller visiter le Musée Mode et Dentelle de Bruxelles ; l’exposition s’y tient sur 3 étages, jusqu’au 10 novembre prochain.

 

Eric Ortmans - François Boutay

 

"Jules François Crahay Back in the spotlight", au Musée Mode et Dentelle, rue de la Voilette, 12, à 1000 Bruxelles.

Du 23-02 au 10-11-24

Il reste beaucoup à découvrir sur le parcours de Crahay, plus particulièrement sur ses années liégeoises. Le commissaire de l’exposition lance un appel aux Liégeois, pour collecter des infos, des photos, des documents, sur Jules Crahay, sa famille et sa maison de couture liégeoise.